L'arbre qui cache la forêt : le SOPK

L'arbre qui cache la forêt : le SOPK

Extrait de ma chronique publiée dans la rubrique Santé des femmes, revue Plantes Médicinales, 2018

 

Par Sarah-Maria LeBlanc, HTA spécialisée en santé des femmes

 

Connaissez-vous le SOPK ? De son nom complet, le syndrome des ovaires polykystiques, aussi connu sous le nom de syndrome de Stein-Leventhal, est actuellement le dérèglement le plus répandu en santé des femmes, chez les femmes non-ménopausées(1). Ce syndrome peut avoir une répercussion au niveau endocrinien, gynécologique, cardio-vasculaire, nerveux et est une des causes de l’infertilité féminine. C’est une condition au mille composantes, au point où la communauté scientifique ne s’entend pas sur les critères à considérer pour son diagnostic, ni sur l’exactitude de son appellation ! Mais qu’est-ce c’est, exactement, et est-ce possible d’obtenir des résultats avec les plantes médicinales et des changements alimentaires ? Je tenterai, dans cet article, de vous le démontrer.

On pourrait dire que le syndrome des ovaires polykystiques est, un résumé, un trouble d’androgénie et de résistance à l’insuline. Les symptômes qui alertent les professionnels à investiguer vers le SOPK, sont souvent l’androgénie. En effet, lorsqu’il y a pilosité anormale (hirsutisme) ou perte de cheveux (alopécie) importante sans problèmes de thyroïde, des examens sont souvent faits pour voir s’il n’y a pas trop d’hormones androgènes dans le sang. Des cycles irréguliers, de l’infertilité, de l’acné ( au menton, sur les côtés du visage et dans le dos en particulier), un surplus de poids et des troubles de la glycémie pourront aussi mettre la puce à l’oreille. Ce qui se passe, en fait, c’est que sous l’action des hormones androgènes, les follicules (nos oeufs, dans la « course » à devenir

l’ovule) se transforment en kystes bénins, remplis de liquide. Par contre, on peut avoir plusieurs manifestations du SOPK ( et les troubles qui viennent avec, dont l’infertilité) sans avoir ces fameux kystes, ce qui rend la chose compliquée !

 

En général, l’on se base sur les critères de Rotterdam pour déterminer s’il y a SOPK. Ces derniers sont : 1) Oligo ou anovulation (ce qui veut dire des ovulations irrégulières ou pas d’ovulation, donc des cycles irréguliers) 2) Hyperandrogénie clinique ou signes chimiques (ce qui veut dire pilosité anormale et hormones androgènes dans le sang) et 3) Morphologie des ovaires (des follicules plus gros ou plus nombreux).

 

Si, en Amérique du Nord, de 5 à 10 % des femmes vivraient avec le SOPK ( sans compter celles qui n’ont simplement pas eu de diagnostic pour leurs irrégularités hormonales !), en Europe, les chiffres vont entre 15 et 30. C’est énorme ! Il faut savoir que les risques de développer le syndrome augmentent lorsque les parents de ces filles ont des troubles de glycémie ou d’obésité, ou que la jeune adolescente est en surpoids2. De plus , le risque de développer le diabète de type 2 est jusqu’à 7 fois plus élevé chez les femmes qui ont cette condition que dans la population normale. En fait, le SOPK non traité peut se transformer en syndrome métabolique, en diabète de type 2, en cholestérol, en infertilité chronique, en haute pression, en troubles anxieux et même en dépression… et c’est souvent déjà le cas, lorsque la femme entre dans mon bureau. C’est pour cette raison que je parle de l’arbre qui cache la forêt : le SOPK n’est pas qu’une question de kystes, c’est une question de dérèglements complexes de tout notre corps.

 

Mais que se passe-t-il, exactement ? En premier lieu, il nous faut considérer l’impact des perturbateurs endocriniens, en particulier les xéno-oestrogènes( 3 ), qui sont les trouble-fête de notre ô-si-complexe tissage hormonal féminin. On a constaté que les femmes dont la mère ou la grand-mère ont été exposées à plusieurs perturbateurs endocriniens ont plus de chances de développer le SOPK. Ensuite, selon plusieurs chercheurs ( et mon expérience

de praticienne en fait foi aussi), le sucre est l’une des principales causes de ce déséquilibre. Lorsqu’il y a plus d’insuline dans le sang, il y a aussi plus d’hormones androgènes, et viceversa. L’insuline participerait, selon certaines hypothèses, à la production d’hormones androgènes. Ce qui fait un cercle vicieux, parce que l'hyperandrogénie semble participer à l'insulino-résistance. Aussi, lorsqu’il y a surplus de poids- particulièrement le gras abdominal, il y a une surproduction d’oestrogènes, qui contribue à l’androgénie. L'insulinorésistance et donc l'hyperinsulinisme chez les femmes qui présentent une hyperandrogénie et de l'anovulation est associée à une augmentation du gras viscéral (gras abdominal).

 

Mais il y a un autre facteur important : le stress. En effet, l’hypophyse, en réaction au stress, produit de l'ACTH, qui stimule la production de DHEA dans les glandes surrénales. La DHEA est deux fois plus élevée chez les femmes qui ont le SOPK ! Ensuite, une enzyme transformera l’excès de DHEA en hormones androgènes, et la boucle est bouclée.

 

Vous avez un tout petit aperçu de la complexité de cette condition, qui représente bien, à mon sens, une maladie de civilisation ; d’ailleurs, une des théories avancées pour l’expliquer, parle de gènes qui ne sont pas adaptés au « sédentarisme confortable », des gènes qui sont « faits » pour des conditions de survie. Il nous faut donc agir sur plusieurs fronts, ce que fait très bien la médecine intégrative et l’herboristerie traditionnelle moderne ! Couper le sucre et diminuer les glucides, augmenter les protéines, faire de l’exercice physique, régulariser le sommeil, diminuer le stress… seront les bases de tout

traitement avec nos chères plantes médicinales. Et pour un traitement de fond, je ne pourrais que trop suggérer d’entreprendre une démarche avec une herboriste-thérapeute, afin de réellement saisir la problématique spécifique à la personne, particulièrement dans le cas du SOPK. Ce dernier sera vécu différemment selon l’environnement, l’hérédité, les fragilités et les conditions psychosociales propres à chaque femme.

 

(...)

 

En faisant les changements alimentaires et d’hygiène de vie appropriés et avec l’aide des plantes médicinales, j’ai vu de magnifiques résultats : retour des règles, régularisation des cycles, perte de poids, diminution notable de l’acné, diminution de l’anxiété, pour ne nommer que ceux-là. J’ai vu plusieurs femmes retrouver l’espoir… et redevenir fertiles. Il y a des conditions de santé comme celle-là où je me dis parfois qu’il serait souhaitable que la médecine conventionnelle vienne faire un tour chez les herboristes pour apprendre un peu de notre paradigme et de nos plantes !

 

1 Mavromati, M., & Philippe, J. (2015). Syndrome des ovaires polykystiques: quoi de neuf?. Rev Med

Suisse, 11, 1242-5.

2 Lizneva, D., Suturina, L., Walker, W., Brakta, S., Gavrilova-Jordan, L., & Azziz, R. (2016). Criteria,prevalence, and phenotypes of polycystic ovary syndrome. Fertility and steril

3 LeBlanc, SM (2013) Les perturbateurs endocriniens : comment s’en protéger ? Blog. Clinique Altermed. Repéré à : https://www.sarah-maria-herboriste.com/publications.html

 

Bibliographie ( voir aussi notes en bas de page)

 

Berger, D., Schaffner, W., Schrader, E., Meier, B., & Brattström, A. (2000). Efficacy of Vitex agnus castus

L. extract Ze 440 in patients with pre-menstrual syndrome (PMS). Archives of gynecology and obstetrics,

264(3), 150

Ehrmann DA, Barnes RB, Rosenfield RL, Cavaghan MK, Imperial J. Prevalence of impaired glucose

tolerance and diabetes in women with polycystic ovary syndrome. Diabetes Care 1999;22:141-

Kiddy, D. S., Hamilton-Fairley, D., Bush, A., Short, F., Anyaoku, V., Reed, M. J., & Franks, S. (1992).

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ovary syndrome. Clinical endocrinology, 36(1), 105-111.

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